Le printemps des Turcs

Le 28 mai dernier s'amorçait un mouvement de protestations en Turquie. Initialement, il s'agissait d'écologistes s'opposant à la destruction du parc Taksim Gezi, un espace vert en plein cœur d'Istanbul. Mais quelques semaines après le début de l'agitation, le mouvement dépasse la place Taksim. Il se matérialise au-delà de la mégapole et au-delà des revendications des écologistes. Plus de 600000 personnes auraient participé au mouvement, et ce, dans plus de 90 villes de la Turquie.

Pourquoi une telle contestation?

Bien que le premier ministre Recep Tayyip Erdogan qualifie les manifestants d'«anti-démocratiques», c'est plutôt le régime turc qui a connu et imposé d'importants «égarements» démocratiques depuis une décennie. De plus en plus de Turcs reprochent à Erdogan de faire intervenir la religion dans les affaires de l'État et par conséquent de réduire leurs libertés. Les «arbres» qui sont à l'origine des manifestations sont un prétexte. Les Turcs sont dans la rue pour défendre les libertés acquises au fil du temps.

La Turquie d'aujourd'hui et de demain

La Turquie évoque la rencontre de l'Europe et de l'Asie, l'émergence d'une puissance économique, les chocs entre modernité et tradition. D'où d'importants défis auxquels le gouvernement est confronté. En voici trois:

1. La place de la religion dans un État laïc. À noter que 96% des Turcs sont de confession musulmane. Le gouvernement en place depuis 2002 est d'ailleurs un parti islamiste de centre droit. Cependant, la Turquie, c'est aussi l'héritage laïc de l'ancien président Mustafa Kemal Atatürk. Cela explique plusieurs tensions entre religieux et laïcs quant au port du voile et aux rôles des femmes dans la vie privée et la vie publique, par exemple.

2. La reconnaissance et les pouvoirs des minorités. Le gouvernement turc continue de nier l'extermination des deux tiers du peuple arménien sur son territoire en 1915-1916. Ce négationnisme turc inquiète, d'autant plus que des défis nationaux sont toujours d'actualité. Aujourd'hui, c'est la minorité kurde (12 à 17 millions de personnes) qui revendique son indépendance par le biais du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Plusieurs des attaques aux libertés de la presse, notamment l'enfermement de journalistes, sont liées à une répression de l'État envers des sympathisants des Kurdes.

3. Maintenir des relations harmonieuses avec le monde arabo-musulman. L'ONU estime que plus de 260000 réfugiés syriens se trouvent au pays en raison du conflit en Syrie. D'ailleurs, les tensions entre les régimes turc et syrien persistent. La Turquie offrirait un soutien technique et militaire aux rebelles syriens. Quant à la position turque face au conflit Israël-Palestine, elle est mitigée, passant de la condamnation (lors des événements de la flottille pour Gaza en 2010) à la réconciliation (au printemps2013, permettant les raids israéliens sur la Syrie).

Classement mondial de la liberté de presse, selon Reporters sans frontières (http://fr.rsf.org/)

Pays

Classement 2003

Classement 2008

Classement 2013

Finlande

1

4

1

Canada

10

13

20

États-Unis

31

36

32

Turquie

115

102

154

Chine

161

167

173

Références

Courrier international:

http://www.courrierinternational.com/article/2012/03/14/quatre-journalistes-liberes-et-apres

La Presse

http://www.lapresse.ca/debats/chroniques/agnes-gruda/201306/04/01-4657515-turquie-une-saveur-de-printemps-erable.php

The Economist:

http://www.economist.com/news/leaders/21579004-recep-tayyip-erdogan-should-heed-turkeys-street-protesters-not-dismiss-them-democrat-or-sultan?fsrc=rss|lea