Refuser la pauvreté!

Dans toute son horreur, le tremblement de terre de 2010 a permis de tourner l'attention de la communauté internationale sur la complexité de la situation en Haïti. Pour souligner la Journée mondiale du refus de la misère (17 octobre), prenons l'exemple de ce pays pour comprendre les causes de la pauvreté, mais surtout, pour élaborer les pistes de solutions à ce fléau mondial.

Un pays durement touché par la pauvreté

Allons-y d'abord avec les chiffres. La pauvreté affecte 76% des 10 millions d'Haïtiens. Le taux de scolarisation n'est que de 60% selon l'UNICEF et la situation est tout aussi alarmante au niveau de l'accès aux soins de santé. 60% de la population active chôme et 80% des travailleurs sont intégrés dans l'économie informelle ou dans le secteur agricole. Plus de neuf dixièmes du revenu total des ménages haïtiens sont consacrés à la satisfaction des besoins de base. Mais les chiffres ne traduisent pas toutes les difficultés que vivent les Haïtiens au quotidien. Il est difficile pour nous d'imaginer ne pas pouvoir manger à sa faim, d'imaginer ne pas pouvoir aller à l'école faute d'argent ou de voir mourir un proche faute de soins… Mais si la pauvreté frappe dur en Haïti, elle frappe dur aussi dans d'autres régions du monde, en Afrique, en Asie, en Amérique latine, …et bien sûr, ici même en Mauricie. Pourquoi la pauvreté existe-t-elle?

Toujours la même cause – l'inégalité

La pauvreté peut avoir plusieurs causes. En Haïti, il y a bien sûr les causes liées à l'histoire coloniale. On peut ajouter le climat politique précaire et les longs épisodes de dictature qu'a vécus le pays. On peut finalement blâmer aussi le tremblement de terre et les ouragans. Mais tout cela ne peut nous faire oublier que la cause principale de la pauvreté, en Haïti comme en Mauricie, c'est l'inégal partage de la richesse qui est produite collectivement. En Haïti, par exemple, la pauvreté extrême côtoie une richesse indécente. Au Canada, où la pauvreté n'atteint évidemment pas les mêmes proportions qu'en Haïti, les 100 PDG de compagnies les mieux payés gagnent tout de même environ 350 fois le salaire moyen d'un travailleur. Ce phénomène des inégalités ne cesse de progresser depuis plusieurs décennies, et constitue aujourd'hui un problème si criant que même le Fonds Monétaire International (FMI) s'en inquiète et appelle les gouvernements à mettre en place des mécanismes de redistribution de la richesse plus efficaces, via l'impôt et les programmes sociaux entre autres.

Et pourquoi ne pas interdire la pauvreté?

Non seulement la pauvreté est-elle une aberration au point de vue moral, mais elle coûte aussi extrêmement cher à la société. Selon le Conseil national du bien-être social, les conséquences de la pauvreté coûtent annuellement 25milliards$ au Canada, …alors qu'il n'en faudrait que la moitié pour que tous les Canadiens puissent vivre au-dessus du seuil de la pauvreté. Des chercheurs de la Grande-Bretagne (voir http://www.equalitytrust.org/) ont prouvé que les sociétés où on vit le mieux ne sont pas les plus riches, mais plutôt celles où on redistribue le mieux la richesse.

En Haïti, comme au Canada, la pauvreté n'est pas une fatalité dictée par la naissance. Elle est plutôt le résultat de politiques de redistribution déficientes et injustes qu'il est du devoir des gouvernements de corriger. L'économiste et politologue Ricardo Petrella propose justement depuis quelques années de rendre illégale la pauvreté. Selon lui, les pauvres sont des êtres humains dignes. Mais l'existence de la pauvreté est indigne d'une société qui se dit civilisée.