La poudrière sahélienne

Par olivier gamelin, collaboration spéciale

Menaces djihadistes au Sahel

Les récentes attaques survenues en plein cœur de Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso, et où la vie de six Québécois a été soufflée par le sifflement des balles, jettent la loupe de l’actualité internationale sur les menaces djihadistes qui sévissent dans la région du Sahel. Petit retour sur cette bande de sable africaine sujette à l’implosion, surtout depuis le conflit et l’intervention militaire occidentale qui a précipité la chute du dictateur libyen Kadhafi en 2011.

L'épée de damoclès de l'afrique

Le Sahel, cordon de terre qui fait fi des frontières géographiques, traverse le continent africain d’est en ouest, tout juste en dessous des régions désertiques dites sahariennes, tout juste au-dessus des luxuriantes savanes. Une ceinture naturelle, en somme, qui serpente à travers une dizaine de pays, dont le Burkina Faso, le Mali, le Niger et l’Algérie. Une ceinture explosive où plusieurs groupes djihadistes provoquent la pluie et le beau temps, dont le groupuscule Al-Mourabitoune, affilié à Al-Qaïda au Maghreb islamique, qui a revendiqué les attentats de Ouagadougou le 15 janvier dernier, et ceux de Bamako au Mali en novembre 2015.

Ce n’est pas d’hier que l’épée de Damoclès oscille sur la tête du Sahel. Si le climat semi-aride y est généralement stable, il en va autrement du climat politique, soumis depuis des années à d’importants bouleversements. Ainsi, même si le BurkinaFaso avait pour l’heure été épargné par l’extrémisme meurtrier, ils étaient nombreux à croire que ce n’était là qu’une question de temps avant que les djihadistes sévissent.

Depuis l’intervention occidentale en Libye, qui a vu tomber la couronne du dictateur Mouammar Kadhafi, la vie des Libyens est devenue un enfer, et la sécurité au Sahel fond comme peau de chagrin. Vide politique oblige, trou noir démocratique, la Libye est devenue, ni plus, ni moins, un djihadistan, c’est-à-dire un arsenal à ciel ouvert où les fondamentalistes s’arment sans retenue. On estime qu’après la chute de Kadhafi, un million d’armes légères, dont plusieurs fournies par les puissances occidentales, se sont retrouvées entre des mains aux intentions belliqueuses, sans compter l’armement beaucoup plus lourd dispersé aux quatre vents dans le Sahel.

Ainsi, selon le président du Conseil marocain des études stratégiques, Mohammed Benhammou, «la Libye est de loin la menace la plus importante [parmi les conflits mal éteints de la région]. Elle est le point qui risque de faire basculer le désordre stable du Sahel».

De la Libye, revenons au Burkina Faso, l’un des pays les plus pauvres de la planète (181e rang sur 187), en suivant le chemin des soldats d’Al-Mourabitoune, c’est-à-dire en passant par la frontière burkinabé-malienne. Jusque-là considéré comme un sanctuaire de paix au Sahel, le Burkina Faso n’est plus épargné depuis l’enlèvement d’un ressortissant roumain en avril 2015 et l’attaque d’une gendarmerie en août, deux crimes revendiqués par le groupe Al-Mourabitoune. Dernier massacre en liste: celui de la capitale burkinabé, Ouagadougou, en janvier 2016.

L’harmattan, ce vent qui balaie sans relâche le Sahel lors de la saison sèche, semble désormais insufflé en partie par le fondamentaliste Mokhtar Belmokthar, émir de la nébuleuse Al-Mourabitoune. En contrepartie, cinq pays du Sahel se sont réunis sous l’appellation «G5 du Sahel» afin «d’apporter une réponse régionale et coordonnée aux défis sécuritaires actuels liés aux menaces des groupes armés terroristes». L’avenir dira si leurs actions feront tourner le vent du bon côté. En attendant, de nombreux groupes et analystes internationaux exhortent les gouvernements occidentaux, dont le Canada, à mieux évaluer les conséquences de leurs interventions militaires à l’étranger.

article publié dans le nouvelliste, édition du 30-31 janvier 2016 page 44.