«favorable aux femmes»

par jean-marc lord, collaboration spéciale

Disparité entre les genres au Lesotho

Le Royaume du Lesotho n’est certes pas le meilleur endroit de la planète où vivre lorsqu’on est une femme. Pandémie de VIH-Sida, soins à l’accouchement rarissimes, traditions séculaires parfois discriminatoires, famine à grande échelle, paupérisation extrême sont autant d’épées de Damoclès qui menacent continuellement de s’abattre sur le quotidien des Lesothanes. Cependant, tout n’est pas noir dans ce petit pays subsaharien enclavé dans les frontières du géant sud-africain. En effet, là plus que partout ailleurs en Afrique, il fait de mieux en mieux vivre au féminin.

Longue marche vers l'égalité

Selon la Banque africaine de développement, le Lesotho est l’un des rares pays où la disparité entre les genres est favorable aux femmes, surtout en ce qui à trait au taux d’alphabétisation et d’emploi au niveau professionnel. Ainsi, en matière de parité entre les genres, le Lesotho occupe la 14e place sur 135 pays répartis aux quatre coins du monde, et la première position sur le continent africain.

L’une des explications possibles de cette progression rapide des droits des femmes au Lesotho est l’absence des hommes, ou plus précisément leur migration massive. En effet, dans l’histoire récente du Lesotho, les hommes ont traversé en grand nombre la frontière sud-africaine pour se dénicher un emploi, tantôt dans le secteur minier, tantôt en agriculture, laissant du même souffle aux femmes la possibilité d’occuper le parvis. À l’instar des Canadiennes qui, durant la Seconde Guerre mondiale, ont envahi les industries laissées vacantes par leur mari, frère et père partis à la guerre, les Lesothanes n’ont pas tardé à faire leur place. Et elles l’ont conservée, particulièrement sur les bancs des écoles.

En matière d’alphabétisation des fillettes, le Lesotho monte sur la plus haute marche du podium africain. Plus de 92% des Lesothanes ont accès au système scolaire, contre 83% pour leurs vis-à-vis masculins. Selon l’UNICEF, cette disparité des genres est attribuable, entre autres, à la tradition locale qui remet entre les mains des garçons la responsabilité des corvées ménagères, autant de tâches qui, paradoxalement, contribuent à réduire leur assiduité scolaire.

Selon le Rapport mondial sur les écarts entre les hommes et les femmes, publié en 2012 par le Forum économique mondial, le Lesotho est le pays le plus performant en matière d'alphabétisation et de scolarisation. Une donnée réjouissante dans la mesure où un taux élevé de scolarisation chez les fillettes entraîne généralement une amélioration globale de la vie chez les femmes. « Dans les pays où le taux de scolarisation des femmes est supérieur à celui des hommes, établir un équilibre entre le mariage, la maternité et la pleine participation des femmes à la vie économique et politique est devenu une priorité, » souligne Ricardo Hausmann, co-auteur du Rapport.

Cependant, tout n’est pas joué pour les Lesothanes. Même si le pays connaît une relative parité en matière d’accès au travail – le secteur des médias présentant le plus haut taux d’emploi des femmes (73%) – même si le nombre de sièges détenus par les femmes au Parlement est passé de 11% en 2007 à 24% en 2010 (58% dans les conseils régionaux), même si le gouvernement a mis sur pied un ministère du Genre, de la Jeunesse, du Sport et des Loisirs (occupé par un homme), il reste encore du pain à trancher sur la planche dans ce pays aux traditions bien enracinées et où plus de 24% des adultes sont atteints du VIH/Sida, un fléau qui touche de manière disproportionnée les femmes.

article publié dans le nouvelliste du 21-22 mai 2016, page 31.