tueurs en série ou terroristes?

par jean-marc lord, la gazette de la mauricie, avril 2015

Faut-il avoir peur des terroristes?

Selon le gouvernement de M. Harper, le terrorisme serait une telle menace à la sécurité mondiale et à celle des Canadiennes et des Canadiens, qu’il faut absolument adopter la Loi C-51 et envoyer nos soldats combattre les barbares de l’État islamique (ÉI) en Irak et en Syrie. Peu importe que le projet de loi C-51 prévoit de graves atteintes aux droits et libertés dont nous jouissons tous et toutes collectivement. Peu importe que l’intervention militaire contre l’ÉI nourrisse et amplifie ce conflit au lieu de le régler… La mise en scène et le marketing efficace (mais trompeur) du gouvernement conservateur lui ont fait gagner la bataille de l’opinion publique. Les Canadiens semblent dorénavant approuver toutes les dépenses et tous les excès, pourvu qu’on nous débarrasse des terroristes de l’État islamique.

Mais le terrorisme constitue-t-il une menace si extrême si on le compare à d’autres menaces ? Sans nier l’importance et la gravité des attentats qui ont tué deux militaires canadiens à St-Jean-sur-Richelieu et à Ottawa en octobre 2014, il reste que d’autres événements ou situations causant davantage de décès et de situations fâcheuses pourraient requérir une action énergique de la part du gouvernement.

On sait que la pauvreté et les inégalités tuent. L’espérance de vie au Canada est d’environ 80 ans, alors qu’elle n’est que d’environ 40 ans au Zimbabwe ou en Angola. Au Québec seulement, la direction de la santé publique estime à 150 par année le nombre de décès dû à la pauvreté. 150 décès par année, ce n’est pas rien. Personne toutefois ne songe à changer les lois du pays et à consacrer les ressources financières nécessaires pour régler cette situation.

Chaque année dans le monde, environ 600 000 personnes meurent du paludisme. Plus de 500 000 décès sont causés par une simple diarrhée très peu conteuse et très facile à soigne. Harper a aussi prolongé, en mars dernier, la mission militaire canadienne en Irak et en Syrie. La mise en scène et le marketing efficace (mais trompeur) du gouvernement conservateur lui ont fait gagner la bataille de l’opinion publique.

Quelle est donc cette mise en scène? D’abord, l’intervention militaire contre l’État islamique en Irak et en Syrie. Tous les gouvernements du monde qui souhaitent se faire réélire utilisent la vieille tactique consistant à exagérer une menace extérieure (l’État islamique dans ce cas-ci) et à se présenter ensuite comme les seuls capables de protéger les citoyens de ce « très grave danger » qui menace leur sécurité. Ensuite, le gouvernement Harper a profité de manière opportuniste du sentiment croissant de peur des Canadiens suite aux deux attentats de St-Jean-sur-Richelieu et d’Ottawa contre deux militaires. Dorénavant, l’opinion publique canadienne semble approuver toutes les dépenses et tous les excès, pourvu qu’on nous débarrasse des terroristes de l’État islamique.

On les diabolise, on leur crée une image, ils sont présentés au monde avec un miroir à l’effet déformant, question de les diaboliser davantage, d’en faire une menace extrême. Mais le terrorisme constitue-t-il une menace si extrême si on le compare à d’autres menaces ?

Il y a des pays qui en qualifient d’autres de terrorisme soit parce qu’il héberge des extrémistes violents, soit parce qu’ils ont l’arme nucléaire, etc. Et pourtant ça ne les empêche pas d’avoir mis le foutoir en Iraq avec l’invasion de ce pays en 2003, et au cours de laquelle environ un million de civils irakiens ont perdu la vie.

L’épidémie causée par le virus d’Ebola, en Afrique, a fait jusqu’ici plus de 10 000 morts, et ce, de mars 2014 à mars 2015. Et pourtant, les pays occidentaux ont tergiversé pendant combien de temps avant d’envoyer un minimum d’aide appropriée aux besoins des pays touchés ? Et que penser des 8 à 10 millions d’enfants africains qui meurent annuellement de mauvaises conditions de vie reliées directement à la pauvreté ?

Un autre cas, plus près de nous cette fois. En 2014, une femme autochtone vivant au Canada était 3 fois plus à risque d’être victime de violence. En 30 ans, leur nombre a atteint 1200. Ce qui est clairement un phénomène de nature sociologique nécessiterait selon plusieurs intervenants, une commission d’enquête nationale mise sur pied par le gouvernement fédéral. Sauf que cette idée est rejetée par le gouvernement conservateur qui n’y voit qu’une longue série historique de crimes odieux.

On peut donc en déduire qu’il y a des tueurs violents qui liquident des gens; d’autres veulent tuer les consciences et réécrire l’histoire.