Le monde selon Harper

par jean-marc lord, La gazette de la mauricie, février 2015

Les mauvais et les bons barbares

Depuis que les conservateurs de M. Harper sont au pouvoir, nous sommes habitués à les voir réagir promptement contre le terrorisme, la barbarie et les menaces à la démocratie. Mais pour eux, il semble qu’il y ait deux sortes de barbares, ceux qu’on peut bombarder et ceux qu’il faut au contraire considérer comme des amis. Voyons cela de plus près.

Les talibans

Au nom de la démocratie, de la liberté pour les femmes, et de la lutte au terrorisme, le gouvernement canadien a convaincu l’opinion publique d’envoyer nos soldats combattre les « barbares » talibans en Afghanistan. La mission canadienne dans ce pays qui a débuté en 2001 pour se terminer en 2013, a coûté environ 20 milliards $, en plus de coûter la vie à 158 de nos soldats.

L'état islamique

Les vidéos d’otages décapités par le groupe État Islamique en Irak et en Syrie ont convaincu M. Harper que cette barbarie incroyable ne peut être tolérée dans un monde civilisé comme le nôtre. Le groupe État islamique, il est vrai, est une organisation despotique, barbare, qui rabaisse les femmes au rang de servante sans aucun droit. M. Harper a rapidement décidé d’envoyer 6 chasseurs F-18 et environ 650 membres de nos forces armées pour aller combattre ces autres barbares.

Nos amis saoudiens

On le voit, M. Harper ne rigole pas avec les barbares et avec les dirigeants qui bafouent la démocratie et les droits des femmes… sauf…

Sauf, quand il s’agit « d’amis » qui achètent des armes aux entreprises canadiennes, telle l’Arabie Saoudite, un pays avec lequel une société de la Couronne, la Corporation commerciale canadienne (CCC), a signé une entente d’une valeur d’environ 13 milliards $ pour la vente de blindés légers.

On connaît tous le sort du jeune Raïf Badawi, condamné par la « justice » saoudienne à 10 ans de prison et à1000 coups de fouets pour avoir seulement exprimé sur un blogue des inquiétudes à propos des pouvoirs de la famille royale et sur la place excessive qu’occupe la religion dans ce pays. De plus, ce royaume affiche de nombreuses autres « caractéristiques » qui en font un bon candidat aux représailles que le Canada réserve habituellement aux pays de ce genre.

Le roi et sa famille dirigent le pays d’une main de fer sans tolérer, ni la liberté de presse ni la moindre aspiration démocratique. Les femmes ne peuvent ni voter, ni conduire un véhicule automobile. Il leur est interdit de parler à un homme sans la présence d’un « tuteur ». De plus ces « bons amis » saoudiens pratiquent avec enthousiasme les décapitations publiques. En 2014, ce sont 87 têtes qui ont été coupées sur les places publiques du pays.

Mais contrairement aux expéditions militaires lancées en Afghanistan, en Irak et en Libye pour y ramener la démocratie, combattre la barbarie, et rétablir les droits des femmes, le Canada choisit de maintenir des liens de franche amitié avec l’Arabie Saoudite. Une amitié, avouons-le, de plus en plus gênante et de plus en plus difficile à justifier. Cette « double » attitude face à la barbarie, pose évidemment la question des vraies raisons pour lesquelles le gouvernement canadien décide ou non d’intervenir militairement pour régler des problèmes dans le monde.