Appel à la Solidarité Haïti

par olivier gamelin et jean-marc lord

publié dans la gazette de la mauricie en septembre 2016

Les causes d'une pauvreté tenace

Haïti, rebelote. Avec le passage de l’ouragan Matthew le 4 octobre dernier, l’épée de Damoclès s’est à nouveau détachée au-dessus de ce pays que la nature n’épargne pas. Après le tremblement de terre de 2010, qui avait entraîné dans son sillon plus de 300 000 personnes, un nouveau malheur s’est abattu sur ce peuple résilient, certes, mais qui semble prisonnier d’un cercle de malchances que les soubresauts de la nature seule n’expliquent pas. Derrière les tremblements de terre et les ouragans, tapis à l’ombre de l’aide internationale, une pauvreté qui peine à se sortir la tête de l’eau.

À la lumière d’un bilan d’urgence déposé par l’ONG Développement et Paix, Matthew a détruit une partie des infrastructures nationales haïtiennes, freinant la progression de l’aide internationale déjà légion sur le territoire. Topo au 7 octobre : 840 personnes décédées, 21 000 évacués, 350 000 personnes dépendantes de l’assistance humanitaire, 1,3 million de personnes touchées par l’œil de l’ouragan, 29 000 maisons détruites… Un tableau de fin du monde, en somme, qui poussa les amis d’Haïti, dont le Comité de Solidarité/Trois-Rivières, à mettre sur pied des campagnes d’aide afin de pallier au plus urgent et, déjà, planifier la reconstruction du pays.

Mais comment reconstruire un pays dépendant de l’aide internationale, un pays soumis plus que les autres aux aléas des changements climatiques, un pays gangrené par la corruption ? Pourquoi Matthew a-t-il causé là plus de dégâts que partout ailleurs où il a posé son doigt destructeur ?

Déforestation massive

Une partie de la réponse se trouve certainement dans une photo polaroïd prise d’Haïti juste avant Matthew. En Haïti, l’érosion des sols et la déforestation massive sont de véritables fléaux écologiques. Une pluie intense peut rapidement se transformer en glissement de terrain meurtrier et compromettre les capacités agricoles de l’État, déjà mis à mal par l’appauvrissement des terres. Encore aujourd’hui, une forte majorité de la population utilise le bois et le charbon de bois comme source principale d’énergie. Depuis le débarquement de Christophe Colomb en 1492, l’île a perdu plus de 98% de sa couverture végétale.

Survie oblige, ce sont les Haïtiens les plus pauvres qui abattent les arbres, souvent pour y semer une agriculture de subsistance. Chaque année, entre 10 et 20 millions d’arbres tombent ainsi sous le tranchant des haches. Et les gouvernements qui se sont succédés depuis des décennies semblent peu enclins à reboiser le territoire, le taux de reboisement étant de 0,7%. À la question : qui coupe les arbres en Haïti? Force est donc d’admettre qu’il faut plutôt répondre : la misère.

Une aide internationale inefficace

Après le séisme de 2010, une pluie de milliards $ est tombée sur Haïti. Pourtant, en 2015, 10% de la population avait toujours recours au programme d’aide alimentaire des Nations Unies. Le miracle attendu par l’aide internationale n’a pas eu lieu. Le hic : une bonne partie de ces milliards s’est retrouvée directement dans les poches des entreprises privées engagées, justement, pour venir en aide…aux Haïtiens. Ces derniers ne sont pas dupes de la situation, tel que le soulignait une source anonyme citée par le quotidien haïtien Le Nouvelliste en décembre 2012.

« Depuis des années et des années, une petite mafia canadienne fait la pluie et le beau temps en Haïti, au nom d’Haïti, avec l’argent du Canada. Ils savent avant nous les financements disponibles et les ficelles à tirer pour dénouer les cordons de la bourse. »

C’est pourquoi certaines ONG se tournent désormais vers la société civile pour mener à terme leurs projets, court-circuitant les autorités. Le hic : le manque de coordination et de cohérence entre les forces « humanitaires » déployées sur place accentue l’impression de chaos qui règne actuellement en Haïti.

Appel à la solidarité

Mais tout n’est pas noir dans la boule de cristal haïtienne. À l’instar du Comité de Solidarité/Trois-Rivières (CS3R), de petites organisations solidaires développent des projets très prometteurs en Haïti, en aval et en amont des catastrophes naturelles qui, inévitablement, toucheront à nouveau le pays.

Faisant écho au regroupement Concertation pour Haïti, le CS3R considère que l’aide humanitaire, commandée par des situations exceptionnelles, peut être structurante, dans la mesure où elle n’est pas mise en opposition avec l’aide au développement. En Haïti il faut, certes, participer à la reconstruction les villes, des maisons et des infrastructures endommagées par Matthew, mais l’appui international doit aussi viser à contrer la dégradation environnementale et à soutenir le développement de la souveraineté alimentaire d’Haïti. Il faut, entre autres, appuyer et renforcer les initiatives paysannes qui favorisent le développement d’une agriculture résiliente face aux changements climatiques.

Campagne Solidarité Haïti 2016

En collaboration avec l’organisme Développement et Paix et la communauté haïtienne trifluvienne, le Comité de Solidarité/Trois-Rivières (CS3R) a mis en branle une campagne de soutien d’urgence à la suite du passage de l’ouragan Matthew en Haïti. La totalité des dons recueillis par le CS3R et Développement et Paix serviront directement la population haïtienne, sans intermédiaire. Pour faire un don sécurisé en ligne, rendez-vous au www.cs3r.org Vous pouvez également téléphoner au 819-373-2598, ou vous présenter directement aux bureaux du CS3R au 942, rue Sainte-Geneviève, Trois-Rivières.