LA PAIX EN COLOMBIE...POUR DEMAIN?

par claude lacaille. publié dans la gazette de la mauricie - avril 2017

Depuis l’an 2000, parmi les réfugiés admis au Québec, ce sont les Colombiens qui ont été les plus nombreux. Trois-Rivières a reçu depuis 20 ans de nombreuses familles colombiennes réfugiées ainsi que des personnes recherchant à vivre en sécurité. Pourquoi quitte-t-on ce pays?

Depuis la décennie des années soixante, devant les abus de la classe dominante composée des grands propriétaires terriens et les élites qui contrôlaient le pouvoir, accaparant les terres au détriment d’une paysannerie pauvre et marginalisée et refusant de réaliser une réforme agraire, des groupes de citoyens insurgés prirent les armes et formèrent les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) et l’Armée de libération nationale (ELN). Ces armées rebelles se sont affrontées continuellement aux Forces armées de Colombie et aux nombreux groupes paramilitaires, instruments du pouvoir, qui ont eu pour stratégie de semer la terreur dans le pays; cela sans oublier la présence active des narcotrafiquants et leurs réseaux de corruption.

Depuis maintenant 52 ans, la guerre a causé la mort violente de quelques 265 000 personnes et la disparition de 45 000 autres. On ne compte plus les millions de personnes déplacées à l’intérieur du pays. C’est par centaines que les défenseurs des droits humains, les syndicalistes, les journalistes et les écologistes sont assassinés dans la plus grande impunité.

Devant une situation aussi intenable, le président actuel, Juan Manuel Santos, s’est donné la mission de mettre fin au conflit. Après quatre années de négociations ardues, les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) ont signé avec le gouvernement un accord de paix historique en présence de chefs d’États et de personnalités de la communauté internationale et cet accord a été ratifié par le Sénat et le Parlement les 29 et 30 novembre 2016. L’Armée de libération nationale (ELN) vient aussi d’amorcer un dialogue avec Santos pour tenter de mettre fin au conflit. La phase publique de ce dialogue s’initiait le 7 février dernier. La guérilla exigeait un cessez-le-feu préalable, mais le gouvernement tient à ce que les hostilités continuent durant le processus, ce qui est déjà un obstacle majeur.

Si ces négociations de paix permettent d’espérer des jours meilleurs pour le peuple colombien, il reste que les problèmes qu’il faudra résoudre sont énormes. On devra créer des conditions pour que les millions de personnes déplacées puissent retrouver les terres qu’elles ont du abandonner et qu’on leur a confisquées et juger les crimes de lèse-humanité commis par les deux camps. Tous les rapports d’organismes internationaux estiment qu’environ les trois-quarts des violations des droits humains furent commis par les paramilitaires et l’armée.

Durant les dernières décennies, la Colombie s’est transformée en un pays qui exploite intensivement le pétrole, le charbon, les différents minerais et le café pour l’exportation et c’est justement dans les municipalités minières et pétrolières que l’on expérimente le plus d’abus envers les populations rurales : expropriations de terres violentes et déplacement forcés. Les communautés ou peuples autochtones qui défendent leur terre deviennent alors la cible de la répression : 26 défenseurs de la terre ont été assassinés en 2015 en Colombie.

Si le gouvernement cherchait la paix pour relancer l’économie sur la base de l’industrie minière et pétrolière sans rétablir la justice sociale et sans être à l’écoute des besoins de paix et de prospérité de la grande majorité, ces dialogues seraient pure hypocrisie et la paix serait, une fois de plus, sacrifiée. Souhaitons que la voix de la sagesse et du gros bon sens prennent le dessus sur la corruption et l’avarice des dirigeants et des entreprises étrangères. Que la paix soit avec toi, Colombia !