Journée mondiale de lutte contre le sida

par christophe noualhat

DES INÉGALITÉS FACE À LA MALADIE

La journée mondiale de lutte contre le sida a lieu le 1er décembre de chaque année. C'est l'occasion pour le monde entier de s'unir dans la lutte contre le VIH/sida, de montrer son soutien aux personnes vivant avec le VIH (PVVIH) et de commémorer ceux qui sont décédés d'une maladie liée au sida. Fondée en 1988 par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), la journée mondiale de lutte contre le sida a été la première campagne mondiale officielle en faveur de la santé publique.

Depuis le début de la pandémie dans les années 80, les innovations thérapeutiques, l’accès aux médicaments, à la prévention et au dépistage ont beaucoup avancé et permettent désormais à une personne porteuse du virus de vivre “normalement” sans l’épée de Damoclès qu’était un diagnostic de séropositivité dans les débuts de l’épidémie.

Les médicaments que l’on appelle “de première ligne” issus des derniers résultats de la recherche scientifique sont disponibles et la majorité du temps pris en charge par les systèmes de santé ou les assurances . La prise de médication quotidienne permet de garder le virus sous contrôle et aujourd’hui d’atteindre un stade ou le virus est indétectable et son porteur n’est plus en état de le transmettre.

On considère d’ailleur, depuis quelques années les personnes infectées par le VIH de manière similaire aux personnes atteintes de maladies chroniques (bien que le VIH ne soit pas une maladie) et non plus comme “maladie mortelle”.

Dans les pays développés, la lutte est désormais sur un autre front: celui des droits de la personne.

La question est tout autre dans les pays en voie de développement ou d’autres facteurs entrent en jeu. Très souvent, la prise en charge médicale et psychosociale des personnes infectées se repose sur des bases argileuses. La réponse au VIH/sida a beau être forte et soutenue par le Fonds mondial (organisme international de financement de la réponse au VIH/sida, la tuberculose et le paludisme qui permet aux pays en développement n’en ayant pas les moyens de mettre en place des programmes de lutte contre ces problématiques), elle est souvent un colosse aux pieds d’argiles lorsque le système de santé local reste défaillant.

Prenons l’exemple de Madagascar, cas extrême, ou le Fonds mondial injecte des millions de dollars chaque année mais ou un nombre très faible de personnes sont diagnostiquées positives par rapport aux modèles mathématiques basés sur des pays semblables (seulement 3-5%). Même avec ce nombre très faible de personnes “connues” vivant avec le VIH, seul un peu plus de la moitié est en mesure de suivre un traitement régulier contre vents et marées.

Face a une personne de bonne volonté souhaitant suivre son traitement se dressent un nombre insoupçonnés de problèmes trop souvent inconnus des habitants des pays développés:

  • La médication est elle disponible ? Si oui, l’est elle uniquement au point d’arrivée dans la capitale ou bien est ce que les commandes ont bien été livrées dans les centres de santé de base au niveau régional, district, municipalités ? A certains moments de l’année (on pense “période des pluies”), les livraisons sont elles toujours possibles ?
  • Quel est la distance entre le domicile de la personne infectée et le centre de santé capable de délivrer la médication ? Certains doivent faire plusieurs heures, voire jours, de marche avant de pouvoir monter dans un “taxi-bé” (car interurbain) pour rejoindre un centre de santé.
  • Lors de la visite au centre de santé, la médication sera t-elle présente ? Le médecin capable de la délivrer sera t-il présent ? Dans le cas contraire, la personne aura t-elle les moyens de rester sur place une journée de plus afin d’attendre une éventuelle livraison de sa prescription ?

Une fois la médication obtenue, la personne rentre chez elle, et il peut s'ensuivre un jeu de cache-cache entre ses proches et sa médication. Dans les pays ou “vivre ensemble” a encore un sens et que 3 ou 4 générations cohabitent sous le même toit parfois avec oncles, tantes et cousins, les risques associés à la stigmatisation et la discrimination sont élevés. Ne vaut il pas mieux ne pas prendre de traitement plutôt que d'être découvert comme séropositif ? La réponse est bien évidemment “non” mais dans un monde “social” comme le nôtre, se retrouver au banc de la société est une question qui pèse souvent lourd dans la balance.

Enfin, une fois la médication obtenue et prise de manière régulière, quels seront les effets secondaires ? Les médicaments de première ligne disponibles dans les pays développés ne le sont pas dans les pays en voie de développement qui doivent se contenter au mieux des deuxième, voire de troisieme ou quatrieme generation et ce pour des raisons économiques, les groupes pharmaceutiques acceptant de vendre à prix réduits (ou “prix sud”) que des molécules d’anciennes générations dont les brevets sont tombés et disponibles pour la fabrication des fameux “génériques”.

Les molécules d’anciennes génération, bien que tout à fait efficaces pour lutter contre le VIH, apportent parfois leur lot d’effets secondaires entraînant des dépenses supplémentaires pour la personne infectées qui voit sa thérapie VIH délivrée gratuitement mais dont les antidiarrhéiques dont elle va avoir besoin ne sont eux pas pris en charge. Sans ces derniers pour accuser le coup, comment expliquer à son entourage cet amour soudain pour le petit coin ?

Comme on peut le voir, les problématiques liées au VIH et au sida sont bien différentes si l’on habite “au nord” ou bien si l’on est résident “au sud” comme on peut bien sur s’en douter.

Le but de cet article n’est pas d'être larmoyant sur le sort des habitants des pays en voie de développement mais plutôt de mettre en lumière les différences de problématiques d’une hémisphère à l’autre et le point commun qui en découle : en 2017, le VIH, en tant que problématique purement médicale, peut être maîtrisé mais la discrimination et la stigmatisation restent le plus grand frein à une bonne prise en charge et la meilleure chose que vous puissiez faire en cette journée mondiale de lutte contre le sida, c’est de faire un câlin à un séropositif !

Nous souhaitons vous rappeler que le Virus de l’Immunodéficience Humaine (VIH) se transmet exclusivement par le sang, les relations sexuelles non protégées et de la mère à l’enfant lors de l’accouchement et l’allaitement à l’exclusion de tout autre mode de transmission.