Sandiniste, Ortega?


Le Nicaragua, petit pays d’Amérique centrale, fait depuis quelques jours parler de lui à cause de manifestations populaires et de la répression violente dont elles ont été victimes. Les revendications? La démission du président sandiniste Daniel Ortega.

Pourquoi les gens se mobilisent au Nicaragua?

C’est une réforme du système des retraites, recommandée par le Fonds monétaire international (FMI), qui a mis le feu aux poudres. La contestation, initialement étudiante, s’est rapidement étendue à l’ensemble de la population pour devenir une mobilisation générale. Malgré le retrait de ce projet de réforme controversé, les manifestant-e-s n’ont pas cessé leur mobilisation pour autant et revendiquent maintenant rien de moins que la démission du président Daniel Ortega et de sa femme qui est aussi la vice-présidente du pays. On leur reproche notamment d’avoir confisqué le pouvoir et de gérer le pays comme leur propriété privée. Les manifestations ont été violemment réprimées : on compte une quarantaine de morts depuis le début du mouvement.

Qu’est-ce que le sandinisme, dont se réclame le président Daniel Ortega?

Ce sont des insurgés du Front sandiniste de libération nationale (FSLN) qui sont parvenus à renverser la dictature d’Anastasio Somoza en 1979, alors que la famille Somoza était arrivée au pouvoir en 1933. Porté par des idéaux de justice et d’émancipation, le FSLN, avec Daniel Ortega à sa tête, a alors entrepris des mesures pour favoriser la redistribution des richesses, le soutien à l’éducation et la santé. Le sandinisme (en référence au héros Sandino) a indéniablement profité au peuple nicaraguayen, ce qui était loin de plaire aux États-Unis. En pleine guerre froide, Washington a rapidement dénoncé ce « régime communiste » et œuvré pour fragiliser le mouvement, notamment en armant une partie de l’opposition (les Contras). Les États-Unis seront parvenus à leurs fins, puisqu’en 1990, le peuple nicaraguayen, épuisé de cette décennie d’agressions politique, économique et militaire, décidait de ne pas réélire les sandinistes. Le parti sera néanmoins réélu en 2006.

Alors, sandiniste, Ortega?

Si Daniel Ortega est bien à la tête du FSLN, que reste-t-il des idées que portait autrefois ce mouvement révolutionnaire progressiste?

Des politiques sociales sont encore d’actualité, la gratuité de l’éducation ou de la santé étant toujours garantie par exemple. Les anciens companeros du parti sandiniste, qui l’ont quitté parfois d’eux-mêmes, parfois expulsés, accusent cependant Ortega d’instrumentaliser le parti pour se maintenir au pouvoir, et considèrent le président davantage comme un opportuniste que comme un socialiste. Ortega en est à son quatrième mandat (deux mandats entre 1979 et 1990 puis deux autres depuis 2006). Pour rester aussi longtemps (plus de vingt ans) au pouvoir, Daniel Ortega ne s’est ainsi épargné ni réforme constitutionnelle ni dérogation de la Cour suprême, d’obédience sandiniste.

Pour marquer le virage idéologique par rapport au sandinisme originel, certains n’hésitent pas à parler « d’ortéguisme », qui pourrait se définir comme l’utilisation d’une rhétorique anti-impérialiste tout en permettant la signature d’un accord de libre-échange avec les États-Unis, l’application des programmes d’austérité du FMI (comme l’illustre la proposition de réformes de retraite), la privatisation d’entreprises d’État, etc.

Les idées révolutionnaires semblent ainsi s’estomper face à ce courant néolibéral. D’un autre côté, la pauvreté touche toujours une personne sur deux, et le pays affiche des disparités énormes : les 200 citoyens les plus fortunés du pays représentent presque 3 fois les richesses produites annuellement par le Nicaragua.