RÉSILIENCE ISLANDAISE

Par Daniel Landry, collaboration spéciale

Comment un pays insulaire, nordique et sans armée peut-il affirmer sa souveraineté avec tant de vigueur? Comment un pays de 350 000 habitants peut-il inspirer autant? C’est le cas de l’Islande.

La force et la résilience islandaises ne datent pas d’hier. Pendant plusieurs siècles, le pays a vécu sous domination : norvégienne d’abord, danoise ensuite. Lors de la Seconde Guerre mondiale, il a été occupé par le Royaume-Uni (1940), puis les États-Unis (1941). Pourtant, depuis 1944, l’Islande s’est proclamée république indépendante. Et elle prospère maintenant, partiellement à cause de sa situation géographique stratégique, mais aussi en raison des avantages soutirés par les investissements du plan Marshall au lendemain de la guerre. Aujourd’hui, sa force repose sur son exemple de résistance citoyenne aux assauts du néolibéralisme et sur son désir de crier haut et fort sa souveraineté.

Crise de 2008

Économiquement, la pêche est depuis longtemps le moteur de l’économie islandaise. Cependant, la chute des prix du poisson (la morue) dans les années 1990 avait forcé le gouvernement d’alors à prendre un virage néolibéral. C’est donc au début des années 2000 que les trois principales banques du pays ont été privatisées et qu’une grande période de spéculation s’est amorcée, créant une croissance artificielle et fragile. Cette grande bulle spéculative a éclaté lors de la crise économique mondiale de 2008. Les banques précédemment privatisées ont fait faillite, plongeant le pays en plein gouffre financier et obligeant l’État islandais à les renationaliser.

Dans cette aventure, des milliers d’épargnants étrangers (du Royaume-Uni et des Pays-Bas) souhaitaient être remboursés par l’État islandais pour les déboires de ces banques privées. Cependant, les citoyens islandais se sont révoltés et ont refusé que ce soit aux contribuables à rembourser ces sommes (plus de 4 milliards d’euros). Les banques privées devaient assumer leur responsabilité dans cette crise du capitalisme financier.

Refus de l’austérité

La sortie de la crise de 2008 s’est sans doute faite plus facilement en raison de l’isolement du pays par rapport au reste du monde, mais aussi en raison du fait que le pays possède sa propre monnaie qu’elle a pu dévaluer pour relancer plus rapidement l’économie. Tout de même, le mouvement populaire né de cette crise s’est avéré exemplaire. Dans la capitale, Reykjavík, des milliers de personnes ont manifesté dans cette « révolution des casseroles », et ce, quatre ans avant le mouvement similaire au Québec. Des groupes de gauche ont réclamé une assemblée constituante, plaidant pour une démocratie plus directe. Et bien que ce projet de constituante ait été mis de côté par les derniers gouvernements, des partis de plus en plus populaires continuent d’en promouvoir la mise sur pied aujourd’hui, à l’instar du Parti pirate et du Mouvement des verts et de gauche.

Ne pas s’en laisser imposer

L’Islande demeure un pays fragile et vulnérable aux crises, en raison de son insularité et de sa dépendance à un secteur d’activité : autrefois la pêche, ensuite la spéculation financière, aujourd’hui le tourisme. Difficile à croire que les taux de croissance astronomiques puissent se poursuivre ainsi bien des années (7,2 % en 2016 et 5,5 % en 2017 selon le World Factbook). Cela dit, les Islandais résistent, proposent des alternatives au système en place et refusent les diktats des puissants. Ils refusent une adhésion aveugle à l’Union européenne, tout comme ils se sont opposés à la présence des militaires américains sur leur territoire jusqu’en 2006. Ils définissent clairement le concept de souveraineté. Dans toutes leurs particularités, les Islandais dérangent sûrement, mais surtout, ils inspirent.


Légende : Suite à la crise économique de 2008, le peuple islandais s’est emparé de la rue lors de « révolution des casseroles », qui a permis l’émergence de partis populaires plaidants pour une démocratie plus directe.