Par Xavier St-Pierre. COllaboration spéciale.
Le nouveau président mexicain, Andrès Manuel López Obrador (surnommé AMLO), est entré en fonction le 1er décembre dernier pour un mandat de 6 ans. Lui qui en était à sa troisième tentative d’accès à la présidence a obtenu plus de 50% des voix et la majorité dans les Chambres des députés et des sénateurs, lui conférant une marge de manœuvre importante. AMLO annonce rien de moins qu’une rupture avec la tradition de corruption si répandue dans ce pays, où le système politique est devenu une extension du système privé.
C’est à la suite du mandat tumultueux de l’ex-président Enrique Peña Nieto que AMLO est entré en poste, après que le Mexique ait connu son année la plus meurtrière en 20 ans, dans un contexte de guerre aux narcotrafiquants qui, depuis 12 ans, a causé 120 000 décès et 37 000 disparitions. En témoigne la multiplication des assassinats de journalistes enquêtant sur la corruption ainsi que la disparition de 43 étudiants d'Ayotzinapa en 2014 (AMLO a aussitôt mis en place une commission d'enquête sur la disparition de ces étudiants).
Les phénomènes migratoires sud-américains préoccuperont également la nouvelle administration autant pour sa politique intérieure que pour sa politique extérieure. Les caravanes de migrants qui ont fait les manchettes cet automne ont particulièrement teinté les relations entre le Mexique et les États-Unis, d'autant plus que ces relations se sont envenimées depuis l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche. À ce sujet, AMLO appelle à une «coopération pour le développement» tout en se positionnant contre l’impérialisme américain. Du côté des relations avec le Canada, la présence des minières canadiennes pourrait assombrir les relations entre Trudeau et AMLO, dont les militant-e-s ne manqueront pas de critiquer les exploitants canadiens de mines au Mexique qui opèrent au détriment de l’environnement et des droits des communautés autochtones.
L’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM), remplaçant l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA), vient néanmoins rassurer les marchés financiers devant l’incertitude du début de mandat de AMLO. Le nouvel accord ouvre sur une augmentation des salaires dans le secteur de l’automobile ainsi que sur «de nouvelles garanties sur le droit de grève, sur la violence contre les syndicalistes et les travailleurs immigrés». Toutefois, une partie de la population se souvient des changements apportés par le dernier accord puisqu’après l’ALÉNA, le prix des produits essentiels a bondi de 700 % pendant que le salaire minimum n’a été multiplié que par 4.
Enfin, est-ce que l’approche de la légalisation du cannabis au Mexique permettra une réduction de la violence que la répression a amplifiée? La gratuité du système d’éducation et de santé créera-t-elle un filet social solide pour une population accablée par la pauvreté? Est-ce que celui qui a baissé son salaire et transformé la résidence du président en un centre culturel remplira les espoirs des Mexicains envers un véritable changement de régime politique dans ce pays révolutionnaire?
Légende: Le nouveau président mexicain Andrès Manuel López Obrador (AMLO) est entré en fonction le 1er décembre, succédant au tumultueux Enrique Peña Nieto. Les réalisations de AMLO seront-elles à la hauteur des attentes que ses promesses suscitent?
Crédit: Eneas De Troya from Mexico City, México