CARNET DE VOYAGE - NICARAGUA

PAR JOANIE MILETTE

Joanie Milette a effectué un stage de solidarité au Nicaragua entre septembre 2016 et mars 2017, au sein de l'organisme Colectivo de Mujeres 8 de Marzo. Son séjour a été réalisé dans le cadre du Programme de stages internationaux pour les jeunes d'Affaires mondiales Canada. Elle nous a livré plusieurs précieux témoignages au fil de son expérience.

Mise en contexte

Bonjour, Je m’appelle Joanie et je suis stagiaire dans le cadre du Programme de stages internationaux pour les jeunes, qui vise à donner une première expérience de travail à l’étranger dans son domaine d’études et d’expertise. Comme j’ai fait mon baccalauréat en travail social, travailler avec un organisme pour la promotion des droits des femmes au Nicaragua m’a grandement interpellé. J’y voyais une opportunité que je ne pouvais pas laisser filer. Enfin, c’est depuis octobre 2015 que l’idée était là : partir 6 mois.

Avant le départ

SEPTEMBRE 2016

J’ai rêvé que je tombais…

Et si on pouvait comparer le temps de préparation à partir à l’étranger avec un saut du haut d’une falaise?

Les premiers mois, on ne fait que monter le chemin escarpé pour se rendre au sommet. Tout va bien, on se sent nerveux à cause des questions de notre entourage auxquelles on ne peut pas répondre, mais le stress réel est omniprésent. On sait que l’on part pour longtemps, mais on ne réalise pas à quel point cela demande une certaine préparation mentale. Lorsque l’on a pris la décision, c’était il y a longtemps.

Et puis le temps file, on fait plusieurs dernières choses avant le départ, on délègue certaines tâches et on se ramasse à devoir faire nos bagages. Faire ses bagages, c'est le signe qu'il ne reste plus que deux petits pas à faire pour atteindre le sommet et voir d'où il faudra se jeter à l’eau. La peur commence à embarquer, mais on reste confiant.

C’est au moment des au revoir à la personne qui nous a conduit à l’aéroport que le grand saut a lieu. Quand on doit dire: "Au revoir, prend soin de toi", que la personne nous souhaite bon vol et bon voyage et que les larmes roulent sur nos joues. À ce moment-là, on le sait : c’est parti!

Des nouvelles du terrain

OCTOBRE 2016

Je réalise qu’avant le moment du départ, je faisais surtout face aux questions de mon entourage : « Que vas-tu faire exactement? Ben là, ça va être difficile sans ton chum?» Plus je me rapprochais de la date de départ et après en avoir lu plus sur l’organisation avec laquelle j’allais travailler, je pouvais répondre aux gens sur la nature de mon travail et ça me rendait fière de mon projet quand les gens disaient que j’avais de la chance de faire ça. Je pense qu’il faut savoir reconnaître sa chance et l’apprécier.

Je me rends compte que j’étais tellement dans un tourbillon de préparation, de dire aux gens que 6 mois ça passe vite, que blablabla, que j’avais mis un peu mes propres émotions de côté. Rendue ici, je me suis vite aperçue que c’était plus difficile que je ne le pensais. L’expérience d’un stage professionnel est bien différente d’un stage de groupe. Tu as beaucoup d’indépendance, au point ou tu peux parfois te sentir seule. Dans un stage de groupe, tout le monde vit la même chose en même temps, on est là pour se soutenir: on est une équipe. En stage professionnel, tu veux faire bonne image au sein de les organisations locale et québécoise pour lesquelles tu travailles et tu as espoir d’un résultat positif pour la fin de ton contrat. Aussi, comme l'expérience est plus grande ou le contexte de vie tout simplement différent, les lunes de miel ne sont plus comme avant! Si je me suis souvent demandée ce que je faisais là? Je me le demande encore parfois. Je suis contente de mon mandat et de mon travail ici et je continue de croire en mes objectifs personnels. Le fait d'être ici me confirme que je me connais bien et que je sais ce que je veux, car toutes les pensées qui me traversent la tête ne me sont pas inconnues.

Une de mes grandes réflexions sur le monde de la coopération et le travail avec des partenaires concerne les liens que l'on crée et la connaissance de la culture locale. Dans mes cours de travail social à l'université, on nous disait qu'il fallait un certain temps pour créer un lien de confiance et pour travailler avec les humains. Cela s'avère être le cas lorsque l'on travaille au sein de communautés autochtones. En fait, on devrait simplement dire lorsqu'il s'agit d'une communauté différente de celle que l'on connait. Les gens demandent : " Tu es ici jusqu'à quand? Tu comptes rester ensuite? " Je pense que dans le monde du travail à l'étranger, on doit prioriser le travail dans un pays pour voir des avancées. Si on cumule de l'expérience à un endroit, puis à un autre, c'est sans doute enrichissant sur le plan personnel, mais pour la communauté, cela représente pas nécessairement autant de valeur ajoutée qu'on pourrait le penser.

Enfin, je suis contente et fière de pouvoir vivre ce stage avec cet organisme, le Colectivo de Mujeres 8 de Marzo. Après 3 semaines et demi, j'ai déjà appris beaucoup sur la culture et la situation socio-politique du Nicaragua. Ma connaissance de l'espagnol m’amène plus loin que mes expériences antérieures me l'ont permises et je suis en mesure de voir la richesse de pouvoir échanger avec les gens.

Pour la suite, je sais que rien ne sera facile et que je me remettrai souvent en question, mais je sais aussi qu'au bout du compte, je dois vivre le moment présent, car il ne restera qu'une Joanie avec une expérience derrière elle et plusieurs acquis dans son sac à dos!

*Pour l'anecdote, je peux dire que 3 semaines c'est un bon délai pour mieux connaître la ville et les moyens de transport, pour s'être perdu, pour commencer à connaître les gens et développer ses petites habitudes. Tout ça, c'est la joie et la gratification de l'adaptation!

JANVIER 2017

Lorsqu’il en reste moins que la moitié

Faire un stage à l’étranger fait travailler ses faiblesses, car cela nous confronte à nous-mêmes du début à la fin. Il faut apprendre à se fier à soi-même sans prendre appui sur quelqu’un d’autre. Dans les moments difficiles, on se rend compte qu'à la maison, plusieurs choses et plusieurs personnes sont là lorsque nous avons besoin de soutien. Sur le terrain, tout repose sur nous. Comme notre environnement extérieur est complètement différent, il nous reste notre maison intérieure avec ses faiblesses et ses qualités, et c’est là-dessus qu’il faut développer son contrôle. Apprendre à se se faire confiance, à se donner une chance. Je pense que le défi, par la suite, est de garder cette confiance en nous, cette force intérieure qui permet de contrer la solitude.

Faire un stage à l’étranger est différent de voyager avec un sac sur le dos, car nous avons un mandat et des objectifs précis. Nous sommes encadrés et il y a certaines balises à respecter. Toutefois, comme nous sommes dans un autre pays, une ambiguité persiste entre le voyage et le stage. Lorsqu’il reste moins de la moitié, c’est le temps de remettre les choses en perspective. Qu’est-ce que je veux avoir accompli d’ici la fin du stage? Que me manque-t-il pour que je sois fière de moi? Que vais-je regretter de ne pas avoir fait? On se fait une to do list de trucs à visiter et des choses à faire au boulot. Dans les moments difficiles, on se remet aussi en question en se demandant : que puis-je faire pour avoir un impact sur la situation qui m’agace? Que puis-je faire pour changer le négatif en positif?

Enfin, faire un stage à l’étranger permet de mettre pleinement en application l'importance de savoir profiter du moment présent. Apprécier l’expérience sans voir trop loin en avant, juste vivre, apprendre et partager.

Le retour

MARS 2017

À deux semaines de la fin, je réalise la chance que j’ai eu de faire ce stage de 6 mois. Au début, ça semble énorme de se lancer dans une expérience comme celle-là et ce n’est pas pour rien. En effet, même si 6 mois peuvent paraître peu pour faire un projet et pour découvrir tout un pays, il s’agit d’une période de temps où plusieurs choses se passent et se transforment. Je me sens enrichie de connaissances et d’apprentissages que je n’aurais pas pu acquérir à la maison. J’ai rencontré des personnes incroyables qui m’ont permis de m’intégrer et de connaître le Nicaragua. Je repars au Québec incroyablement satisfaite par mon expérience. Je recommande fortement ce stage et je reconnais la chance qu'on a de pouvoir bénéficier de programmes comme celui-ci qui nous permettent de prendre conscience de l’international.

En conclusion, je retourne à la maison avec toujours ce désir de vouloir être une actrice de changement et tenter, jour après jour, de militer pour un monde tel que je voudrais le voir.

Consultez la vidéo réalisée par Joanie sur les droits des femmes au Nicaragua