Stages internationaux pour jeunes autochtones.
Ce texte a été rédigé par Channing Vollant, jeune innue de Pessamit ayant pris part à l’initiative de stages internationaux pour jeunes autochtones(SIJA) du Comité de Solidarité/Trois-Rivières en collaboration avec Affaires Mondiales Canada. Elle a complété avec succès un stage de 3 mois auprès du CEPROSI à La Paz, en Bolivie.
Introspection bolivienne
Nous croyons souvent que le monde est trop grand, inaccessible et inconnu. Quand nous passons une partie de notre vie à ne pas nous poser de questions, à préserver notre confort dans ce qui nous semble familier, nous demeurons toujours dans l’inconnu. Je crois qu’il faut se permettre de vivre l’inconnu, non pas seulement le regarder et le contempler, mais bien d’entrer en fusion avec lui. Il faut le vivre avec ouverture et passion pour bouleverser nos sentiments, nos pensées et nos habitudes.
La Bolivie fut un grand coup de foudre. Mon premier pays étranger visité et l’expérience la plus enrichissante de ma jeune vie. En transcendance avec la culture et la mentalité des Boliviens et Boliviennes, j’ai pu en savourer chaque instant et m’imprégner de chaque sentiment qu’il m’a été permis de vivre durant ces trois mois de stage.
Dans son entière complexité, j’étais en admiration devant chaque recoin de la ville de La Paz. Dans son imperfection, j’y ai trouvé un monde parfait. Les habitudes routinières de cette communauté se sont intégrées comme si elles avaient toujours fait partie de ma vie. Les gens, inconnus et pourtant si proches à la fois, avaient une chose spéciale en eux. Cette chose, ce sont ces valeurs qu’ils préservent au travers de leur approche, de leurs pensées, et de leur façon d’agir. Ils m’ont rappelé mon village autochtone, Pessamit, où nous avons tous cette manière d’aimer les gens malgré que nous ne les connaissions pas. Ils font, d’un certain sens, partie de notre famille et inspirent ce vivre ensemble, incitent à éprouver une sincère compassion pour son prochain. Ce sont des gens si authentiques qu’il en devient impossible de ne pas s’y attacher.
J’ai travaillé avec les femmes là-bas. J’ai réalisé avec elles des activités, des projets. Partager l’histoire de ma nation autochtone fut un moment important et fort mémorable pour moi. Non seulement dans l’optique de remplir mon mandat et de promouvoir l’échange interculturel mais plutôt parce que, de toutes les activités réalisées, celle-ci demandait de partager mes origines, mes luttes, mon histoire et aussi ma famille, et par conséquent, de parler de moi. Les femmes ont voulu connaître ces histoires de ma nation, mais aussi ont pu voir et moi de même, comment ce récit est rattaché à la personne qui le racontait. Après réflexion, j’ai constaté que nous passons beaucoup de temps à manquer de confiance en soi et à se demander si ce propos-ci ou ce propos-là conviennent, s’il est préférable de taire ou non tel ou tel passage, si nous sommes capables de raconter qui nous sommes, à la hauteur de ce que nous sommes, alors que parfois, il faut simplement retirer ces milliers de barrières, foncer, être vrai et intègre. Ce partage de mon identité et de mon histoire fut la plus authentique et plus enrichissante expérience de tout ce que j’ai vécu avec ces femmes boliviennes.
Tout au long de mon séjour, j’ai rencontré des gens. Beaucoup de gens, tous aussi distincts les uns des autres. Ces personnes me manquent déjà beaucoup. Parfois la vie place des gens formidables sur notre chemin, toujours pour nous transmettre quelque chose et pour nous faire vivre des moments uniques et merveilleux. En trois mois seulement, j’ai développé une belle complicité avec de nouveaux amis et collègues de travail, des gens attentionnés et protecteurs qui s’assuraient que mon passage à La Paz soit mémorable et se déroule sans trop d’embûches. Il y a eu Ana-Maria, une femme admirable, intelligente et sensible, qui a eu de précieux conseils à mon égard. Sa confiance et son appui m’ont fait grandir tout au long de mon parcours. J’ai eu la chance de travailler avec des gens formidables. Nous ne nous en tenions pas à simplement à travailler ensemble, nous sommes devenus des amis, une famille formée tout naturellement sans forcer.
J’ai eu l’occasion de rencontrer beaucoup d’autres expatriés. France, Angleterre, Irlande, Suisse, Russie, Amérique du Sud... Je voyageais à travers ces rencontres. J’ai surtout fait la merveilleuse rencontre d’une personne venant de la France, tout bonnement croisée par hasard dans ma quête d’un bon café. Une personne joviale et d’une ouverture incroyable, dont l’épouse est llemara, une autochtone de la Bolivie. Cette rencontre représentait pour moi une belle opportunité de connaître davantage la culture autochtone locale. C’est pendant une conférence interculturelle que nous avons pu effectuer des comparaisons entre nos nations respectives. Une personne qui, comme si elle était originaire de ma communauté, est si familière. À l’opposé du Canada, si loin, mais aussi impressionnant soit-il, nos cultures sont similaires. Nos visions sont identiques, et nos spiritualités sont les mêmes. Comment se fait-il que deux cultures si éloignées puissent posséder les mêmes croyances et les mêmes rituels que les nôtres? Avoir un si grand respect pour la Pacha Mama, la mère terre, les esprits de nos ancêtres, nos grands-pères. Ce fut mémorable et touchant.
En Bolivie, je me suis permis de vivre, de me laisser aller aux émotions, à l’admiration, à la passion. De par mes expériences majoritairement positives et très peu négatives, j’ai vécu au jour le jour ce qu'il m’a été donné de vivre. J’ai laissé mon esprit ouvert aux différences tout en respectant mes convictions. Qu’elles nous conviennent ou non, les différences, elles sont là. Et tout ce que nous pouvons en faire, c’est d’essayer d’en tirer le meilleur. On m’a montré l’importance des valeurs humaines, de l’amour à préserver autour de soi. De donner et de partager, non pas parce qu’il le faut ou parce que nous devons le faire, mais bien parce que nous en avons envie car notre cœur ne se pose pas la question, il le fait c’est tout.
La Bolivie n’est pas la fin d’un chapitre, il en est le commencement. Car oui, j’y retournerai. Pourquoi pas un autre endroit? Oui pourquoi pas. Je vois maintenant le monde si grand mais si petit à la fois. Je suis ouverte à découvrir le monde tout entier. Mais pour le moment, à l’instant présent, je rêve encore de Bolivie.
Photo: Channing, accompagnée de Sarah et Rose, également stagiaires dans le cadre de l'Initiative de stages internationaux pour jeunes autochtones. Sarah a également rédigé un témoignage, à retrouver ici.