La résistance des Mapuches

La résistance héroïque des Mapuches[1]

À l’arrivée des Espagnols au Chili, le territoire mapuche s’étendait sur 1500 kilomètres. Les conquérants espagnols s’en emparèrent et constituèrent des regroupements d’indiens soumis au travail forcé. Durant trois siècles, les Mapuches résistèrent de façon héroïque. Ils se replièrent au sud du fleuve Bio-bio et ne permirent jamais aux Espagnols de franchir cette démarcation. La Couronne espagnole finit par reconnaître cette frontière par une entente de respect mutuel entre nations. En 1818, le Chili conquérait son indépendance et déclarait illico la guerre au peuple mapuche. Entre 1860 et 1883, l’armée chilienne multiplia ses agressions laissant des dizaines de milliers de morts, un territoire détruit et les quelques survivants confinés dans des réserves représentant le cinquième des territoires expropriés.

Étouffant sur des terres trop exiguës, beaucoup d’autochtones migrèrent vers les villes et allèrent massivement s’entasser dans des quartiers de misère. On estime à un million et demi le nombre de Mapuches dans le pays, dont 500000 à Santiago, la capitale. Sous la dictature de Pinochet, les terres qu’ils avaient récupérées par la réforme agraire d’Allende furent confisquées et vendues à des compagnies forestières locales et multinationales. Des dizaines de résistants y perdirent la vie sous la répression. Dans les années 90, les communautés furent encerclées par des plantations de pins et d’eucalyptus sur leurs anciennes parcelles. Les deux compagnies les plus importantes possèdent 1,2 million d’hectares alors que les Mapuches n’ont en tout que 700000 hectares à cultiver. En plus, sept projets de barrages menacent les terres agricoles: deux centrales hydroélectriques ont déjà inondé 3500 hectares de terres mapuches. L’industrie touristique développe des hôtels de luxe autour des magnifiques lacs de la région, ce qui intensifie l’invasion du territoire.

La lutte des Mapuches pour la récupération des terres a commencé en 1997: 20000 hectares de terres ont été récupérés par occupation directe: occupation du terrain, expulsion violente, puis réoccupation jusqu’à ce que la compagnie plie bagage. Le gouvernement chilien a réprimé sauvagement ces actions: emprisonnements, descentes dans les communautés, harcèlement, assassinats, intimidation. Les prisons sont pleines de détenus politiques.Les communautés réclament la dévolution de leurs terres et l’autonomie sur leur territoire.

Le gouvernement chilien refuse de reconnaître l’existence de nations autochtones sur son territoire et toute résistance des communautés mapuches tombe sous la loi anti-terroriste. L’historien chilien Gabriel Salazar déclarait récemment que le gouvernement poursuivait la guerre de l’Araucanie commencée depuis 500 ans. Pour éviter toute la violence sociale causée par la rapacité de l’oligarchie, l’État «aurait pu développer une politique intelligente pour reconnaître l’existence du peuple mapuche et avec eux résoudre une fois pour toutes ce problème. Il faut une sorte de traité spécial de peuple à peuple.» La devise du Chili étant «Par la raison ou par la force», après cinq siècles de guerres, il serait temps que le gouvernement Bachelet se résolve à résoudre ce conflit par la raison.

 

 

Légende: «Par la raison ou par la force», les Mapuches ne connaissent la devise chilienne que trop bien. Emprisonnements, harcèlement, assassinats, intimidations, le gouvernement du Chili ne rechigne pas sur les moyens pour faire taire les Mapuches qui réclament un peu trop fort leurs droits sur leur territoire ancestral.

Crédits photo: David Suazo Quintana, via Flickr CC

 

Collaboration

Claude Lacaille

[1]Mapu: terre, che: gens = Mapuche (prononcer Ma-pou-tché), le peuple de la terre